Vous avez passé trois jours à construire un prototype fonctionnel avec votre assistant IA. L’interface marche, les boutons répondent, les données s’affichent. Vous êtes fier. Mais quand vous le passez à l’équipe technique, ils vous regardent comme si vous leur aviez donné une boîte noire avec un bouton rouge. Prototypes vibe-coded : ils sont rapides, puissants, et dangereux si vous ne les documentez pas.
Le problème n’est pas le code, c’est le contexte
Les outils comme Cursor, GitHub Copilot ou ChatGPT permettent de générer du code en quelques minutes en tapant des phrases simples. « Crée un formulaire d’inscription avec authentification par email et validation en temps réel. » Voilà, c’est fait. Mais ce que vous oubliez, c’est que vous n’avez pas écrit chaque ligne. Vous n’avez pas choisi la structure de la base de données. Vous n’avez pas décidé pourquoi vous avez utilisé une authentification par jeton au lieu d’une session. Et l’équipe technique, elle, doit tout comprendre pour le faire fonctionner en production.Une étude de Softr en 2025 montre que 43 % des équipes rencontrent des retards majeurs lors du transfert d’un prototype vibe-coded. Pourquoi ? Parce que le code est là, mais pas le pourquoi. Pas les cas limites. Pas les compromis faits. Pas les erreurs qu’on a évitées. Sans ça, les ingénieurs doivent deviner. Et deviner, dans le code, c’est une mauvaise idée.
Le document de base : le requirements.md
Avant même d’écrire votre premier prompt, créez un fichierrequirements.md dans le dossier du projet. C’est votre contrat avec l’équipe technique. Pas un document de 50 pages. Pas un PowerPoint. Un fichier texte clair, concis, qui répond à ces questions :
- Qu’est-ce que l’application doit faire ? (ex : « Permettre aux utilisateurs de créer un profil, uploader un avatar, et recevoir un email de confirmation »)
- Quels sont les cas d’utilisation principaux ? (ex : « Un utilisateur inscrit via Google, sans créer de mot de passe »)
- Quels sont les cas limites ? (ex : « Que se passe-t-il si l’email est déjà utilisé ? Si l’avatar pèse 10 Mo ? »)
- Quelles sont les intégrations obligatoires ? (ex : « API Stripe pour les paiements, Firebase pour les notifications »)
- Qu’est-ce qui est interdit de changer ? (ex : « Pas de connexion LDAP, pas de stockage local »)
En 2023, Aatir Ahmed a appris à ses dépens. Il a commencé un outil pour un seul utilisateur, puis a voulu le transformer en SaaS multi-tenant à mi-parcours. Résultat ? Trois semaines de refonte, des bugs partout, une équipe en colère. Le problème ? Il n’avait pas écrit ces exigences au début. Le requirements.md n’est pas un luxe. C’est une assurance. Sans lui, vous construisez sur du sable.
Le journal des décisions : votre trace de navigation
Chaque fois que vous avez changé d’idée, que vous avez testé deux approches différentes, que vous avez choisi une bibliothèque plutôt qu’une autre - notez-le. Pas dans votre tête. Pas dans un chat Slack. Dans un fichier appelédecision-log.md.
Exemple :
- Date : 12/03/2025
- Prompt : « Utilise Next.js avec React Server Components pour réduire le temps de chargement »
- Modèle IA : GPT-4-turbo
- Choix : J’ai rejeté Vue.js car il n’a pas de support natif pour les composants serveur. Next.js permet d’optimiser le SEO dès le départ.
- Alternative rejetée : Utiliser un framework Python comme Django - trop lent pour le prototypage rapide.
- Approbation : Validé par la designer le 13/03/2025.
Superblocks, dans ses lignes directrices pour les entreprises, dit que la traçabilité est la clé. Pourquoi ? Parce que l’équipe technique doit savoir : qui a pris cette décision ? Pourquoi ? Est-ce que c’est sûr ? Sans ce journal, chaque ligne de code devient un mystère. Et quand un bug apparaît en production, vous allez devoir tout reconstruire à partir de zéro.
Les commentaires dans le code : votre mémoire externe
Vous avez demandé à l’IA : « Fais un système de validation de formulaire avec messages d’erreur personnalisés. » Elle vous a généré 300 lignes de code. Vous ne les avez pas lues. Mais l’équipe technique, si.Les commentaires ne sont pas un luxe. Ils sont la seule façon de dire : « Voilà pourquoi cette ligne existe. »
Exemple dans le code :
// Vérifie si l'email existe déjà dans la base (demande du client pour éviter les doublons)
// Utilise la méthode 'findUserByEmail' au lieu de 'getUserById' car la base est indexée sur l'email
// Ne pas changer : cette méthode est utilisée dans l'API de connexion aussi
Hexaware souligne que « vous n’avez pas écrit les lignes, donc le contexte peut se perdre ». Les commentaires sont votre bouée de sauvetage. Et surtout, demandez à l’IA de les générer : « Ajoute des commentaires dans ce code pour expliquer chaque fonction à un développeur débutant. »
Le contrôle de version : ne livrez jamais un « dernier état »
Ne donnez pas à l’équipe technique juste le code final. Donnez-lui tout l’historique Git. Avec des messages de commit clairs.Un bon message de commit :
- ❌ « Mise à jour du formulaire »
- ✅ « Ajout de la validation côté client pour l’email - basé sur le feedback du client du 10/03 »
Graphite recommande de traiter chaque génération d’IA comme un « pull request » que vous devez examiner. Ce n’est pas du code magique. C’est du code que vous avez commandé. Et comme pour tout code, vous devez justifier chaque changement. L’équipe technique doit pouvoir revenir en arrière, voir comment le projet a évolué, et comprendre les erreurs passées.
La sécurité : ce que l’IA oublie, vous devez le dire
L’IA ne pense pas à la sécurité. Elle génère du code qui marche. Pas du code qui est sécurisé.Vous devez documenter :
- Comment les données sont stockées (chiffrées ?)
- Quelles API sont appelées (avec authentification ?)
- Les dépendances externes (avez-vous vérifié les vulnérabilités ?)
- Les points de fuite potentiels (ex : logs contenant des emails)
Superblocks avertit : « Les applications générées par IA doivent se connecter aux bases de données et API avec des connecteurs approuvés et une validation de schéma. » Sinon, vous risquez des fuites de données. GDPR et HIPAA exigent maintenant cette traçabilité. Si vous ne la fournissez pas, vous n’avez pas le droit de déployer.
Les outils qui aident - et ceux qui ne le font pas
Tous les outils d’IA ne sont pas égaux. Cursor, par exemple, génère automatiquement des fichiers de documentation avec 82/100 de pertinence selon Superblocks. ChatGPT ? 47/100. Pourquoi ? Parce que Cursor a été conçu pour les équipes techniques. Il suit les prompts, garde une trace des versions, et propose des commentaires intelligents.Les outils qui ne font que générer du code - sans documentation, sans historique, sans audit - sont des pièges. Ils accélèrent la création, mais ralentissent la production. G2 montre que 68 % des utilisateurs satisfaits de Cursor citent « le transfert facile à l’équipe technique ». Les critiques sur les outils basiques ? « Prototypes boîtes noires, aucun contexte. »
Combien de temps consacrer à la documentation ?
Pas 20 % de votre temps. Pas 50 %. 15 à 20 %.Si vous passez 16 heures à construire un prototype, passez 2 à 3 heures à écrire la documentation. C’est un investissement. Pas un gaspillage. Teacode.io a observé que les équipes qui documentent en parallèle réduisent le temps de transfert de 65 %. Un prototype qui prenait deux semaines à intégrer passe à trois jours.
Et si vous n’avez pas le temps ? Équipez-vous. Associez un développeur qui code avec un product manager ou un designer pour écrire les documents ensemble. La documentation n’est pas une tâche de « quelqu’un d’autre ». C’est une responsabilité partagée.
Le futur est déjà là - et il exige de la clarté
En 2025, 63 % des entreprises exigent des protocoles de documentation pour le code généré par IA. C’est une norme. Pas une option. GitHub vient de lancer « Copilot Documentation Mode » - une fonction qui génère automatiquement les documents de transfert avec 85 % de précision. OpenAI a publié des normes de traçabilité. Gartner prédit que d’ici 2027, 90 % des plateformes d’IA intégreront la documentation comme condition obligatoire.Le vrai défi n’est plus de savoir si l’IA peut coder. C’est de savoir si vous pouvez expliquer ce qu’elle a fait. Les prototypes vibe-coded ne sont pas des jouets. Ce sont des produits. Et les produits, ça se livre avec un manuel. Pas avec un « ça marche sur mon écran ».
Si vous voulez que votre prototype devienne une application réelle, vous ne pouvez plus vous contenter de générer du code. Vous devez générer du sens.
Faut-il vraiment écrire un requirements.md pour chaque prototype ?
Oui. Même pour un prototype simple. Un requirements.md n’est pas un document de 10 pages. C’est une liste de 5 à 10 points clairs : ce que l’app doit faire, ce qui est interdit, et les cas limites. Sans ça, vous laissez l’équipe technique deviner vos intentions. Et deviner, dans le code, c’est une erreur coûteuse. Même un prototype de 2 jours mérite 15 minutes de documentation.
Et si je n’ai pas d’expérience en ingénierie logicielle ?
Vous n’avez pas besoin d’être ingénieur pour documenter. Vous avez besoin d’être clair. Posez-vous ces questions : Qui va utiliser ça ? Qu’est-ce qui peut aller de travers ? Quels systèmes doivent se connecter ? Si vous ne savez pas répondre, demandez à un développeur. La documentation n’est pas une compétence technique - c’est une compétence de communication. Et c’est celle-là que vous devez développer.
Puis-je demander à l’IA de générer la documentation à ma place ?
Oui, mais avec précaution. Vous pouvez dire : « Génère un fichier requirements.md à partir de ce que j’ai demandé jusqu’à maintenant. » Ou : « Ajoute des commentaires dans ce code pour expliquer chaque fonction à un développeur débutant. » Mais ne vous contentez pas de copier-coller. Relisez. Corrigez. Vérifiez que les cas limites sont bien couverts. L’IA peut aider, mais elle ne remplace pas votre jugement.
Pourquoi les outils comme Cursor sont-ils mieux pour le transfert ?
Parce qu’ils sont conçus pour les équipes, pas seulement pour les individus. Cursor garde automatiquement une trace de vos prompts, des versions de l’IA utilisées, des modifications de code, et génère des commentaires et des fichiers de documentation. Il vous oblige à structurer votre travail. Les outils basiques comme ChatGPT vous donnent du code, mais pas de contexte. Et le contexte, c’est ce que l’équipe technique attend.
Qu’est-ce qui arrive si je ne documente pas ?
Votre prototype devient une bombe à retardement. L’équipe technique va devoir le démonter pour le comprendre. Elle va perdre des jours - voire des semaines - à deviner les intentions. Des bugs vont apparaître en production parce qu’un cas limite n’était pas prévu. Et vous allez être accusé de « ne pas avoir compris les besoins ». La vérité ? Vous n’avez pas compris que la documentation, c’est la clé du transfert. Sans elle, vous ne construisez pas des applications. Vous construisez des souvenirs.
2 Commentaires
laetitia betton
Je viens de livrer un prototype vibe-coded à mon équipe, et j’ai vu leur regard… celui-là. Le même que quand tu donnes un iPhone à un ingénieur en 2007 et qu’il demande où est le bouton de réinitialisation. J’ai commencé à écrire un requirements.md sur un post-it. Trois jours plus tard, j’ai un PDF de 8 pages, 12 commentaires de devs, et une version Git avec 47 commits explicites. C’est devenu un standard interne. Sans ça, on est tous perdus. La documentation n’est pas un luxe, c’est le carburant du transfert.
Therese Sandfeldt
❤️❤️❤️ Même si j’ai commencé avec ChatGPT, j’ai appris à demander : « Ajoute des commentaires comme si tu expliquais à ta grand-mère qui a fait du code en 1995 ». Et ça marche. Mon équipe me dit maintenant : « Merci pour les commentaires, c’est la première fois qu’on comprend un truc généré par IA sans se casser la tête. »